Eugenios venait d'arriver aux abords de la tour, le soleil l'éblouissait, il avançait sans réfléchir, une seule pensée guidant ses pas.
Elle se dressait devant lui, fière et infranchissable, immense et inaccessible, Babel... Babel la grande. Babel la désirée. Babel la perfide. Source de tellement de discordes et pourtant tellement enviée.
Et Eugenios avançait. Il leva son regard vers la cîme de la ziqqurat, folie des Dieux et affliction des hommes. Plongeant au milieu des nuages, le haut de cette grandeur, invisible à ses yeux de pauvre mortel, attirait tant de convoitise et de trahison. Et il avançait toujours.
Il franchit les grilles, lui pitoyable humain, si insignifiant à côté d'Elle. Elle était belle, Elle était noble, Elle était traitresse...
Il avançait au travers du parvis de la tour, ralentissant sa course plus l' entrée s'approchait, la peur commençant à reprendre ses droits, la raison refaisant surface sous la folie.
Ce ne fut qu'une fois sa lucidité retrouvée, qu'il se souvint d'un détail.
On ne pouvait accéder à la Tour.
Elle s'y refusait.
Alors pourquoi...?
Pourquoi avait-il put l'approcher?
Il continua son avancé,les derniers mots du jeune novice résonnant dans son esprit, martellement de tambour au milieu de ses pensées brumeuses, lorsqu'un détail attira son regard, un détail qui se précisa à sa vue. Quelque chose qu'il ne remarqua qu'une fois arrivé à la porte de cette immensité.
Et il comprit.
Il avait perdu contre elle...
Un morceau d'étoffe était coincé dans l'encadrement de la porte de Babel, un tissu qu' il aurait reconnu n'importe où, pour l'avoir vu si souvent. Un vêtement que son Dieu portait encore le matin même. Une étoffe teintée de rouge...
Mais il ne put aller plus loin, la porte refusait de s'ouvrir, ce n'est que lorsqu'il se détourna d'elle qu'un grincement sinistre attira son attention, Babel allait-elle lui dévoiler ses secrets?
Mais elle ne s'ouvrit que sur quelques centimètres, pas assez malheureusement pour passer, mais assez pour liberer l'étoffe prisonnière de son entrave.