«Oiseau! Que tu sais bien chanter! »

Personnage de conte : L'enfant dévoré du Conte du Genevrier. Même si j'hésitais avec le père et la défunte mère. Nationalité / Origine : Monodiela vit désormais à Emerald, mais on le ramassa où il avait chuté, dans un endroit où nul vie ne naît. / Monodiela a des accents d'Orient de sables chaud, en haïku qu'il fredonne en écho. Profession : Inquisiteur / Exécuteur - Bras droit d'un pair d'Emerald (initialement Josepe). Monodiela suit doctrinement Sa "Voix", celle qui lui chante au tourment, les litanies de ceux qu'il faudra bientôt faire taire. De plus d'une meule, d'un ciel grondant pleurant le rouge; des gerbes de sang. La Voix juge; la fleur fronde. Et tranche. Tranche encore. Les épis volent. Le blé carmin. Que soit à jamais protégée la Céleste Cité. Avant, oh! Avant, ceux qui vécurent assez longtemps, évoluant dans les mêmes sphères, auraient pu reconnaître en lui; un grand chercheur! Mais ça, c'était avant. Avant. Il faut le laisser en-dedans. Ne pas l'en laisser sortir. Non. Le laisser pourrir. Avec les restes. Dans la légère étoffe. Là, sous la terre d'une mémoire. Sous les racines de l'arbre aux baies. Groupe : Autres. C'est un joli violet. Même si l'Or des Criminels, pourrait aussi l'entacher. A vous de Trancher.

« Kywitt, kywitt, bel oiseau que je suis! »

« Chante-le-moi encore une fois, ton morceau! »

La pluie qui bat contre ses tempes quand son cœur ne peut plus pulser, rémanent d’une sève tout autre qui ne peut plus l’alimenter. Là, genévrier figé à l’écorce noircie, et la résine rouge. Si rouge. Rougie.
C’est une forme un peu trouble. Un peu troublée. Que la pluie s’acharne à effacer. Peut-être pour la noyer. La noyer, car toute plante recevant trop d’eau finira par pourrir. Et non fleurir.
Fleurir pourtant, c’est ce qu’il fit. Sur le cadavre d’un oiseau. D’une ombre blanchie, des yeux rouges en échos… Et quelques os. Ces quelques os, que l’ombre…

… ronge encore.

Il s’était envolé ! Kywitt ! Kywitt ! Là-haut ! Là-haut ! Il renaissait. Cette forme en écho. Là-haut ! Oiseau ! L’Emerald ! Joyau ! Et des yeux rouges. ROUGIES qui hantaient chacune de ses nuits. Quand les sanglots carmin coulaient de sa bouche. Oh oui ! On l’avait vu renaître ! … Mais pas tout à fait encore. Pas entièrement. C’était comme si une partie de lui, une partie de son être, lui était arraché. Flouée. Floue. La pluie tombe. Lave. Épure. Oublie.
Oublie l’oiseau. Kywitt ! Kywitt !

C’était un petit oiseau blanc, tout blanc. Aux yeux incandescents. C’était lui. Ce n’était pas lui. C’était cette part qu’on lui avait arraché. Lui, oh, lui qu’on avait dévoré. Déchiré encore. … n’était plus qu’un arbre mort. Que le fantôme d’un enfant. Qui réclame QU’ON LE LUI RENDE. Cette forme. Cette VIE. Ce qui fut ASPIRÉ hors de lui.

Car il était tout autre. Lui.  …n’était plus qu’une plante. Là. Ramure tombée. Oubliée. A l’ombre d’un genévrier.

Une fleur. Sanglante. Sanglot. Sang.

Sens.

Sens-donc, cette odeur si particulière, un peu boisée. Mélange de pin âcre, et de résine sucrée. Cette sève dont il dévore l’écorce âprement. Il n’est plus oiseau, mais vautours: ÔGRE. Et ses yeux verts, ses yeux doux, ses yeux FOUS. FOUS. ARDENTS.

Comme rougies. Rougies.
Pleurant.

Le sang.

Il a poussé. Sur les cendres de son genévrier. Fantôme d’enfant. Echo d’oiseau. Kywiit ! Kywiit ! Ces chants… oubliés. Oublié le passé. Le passé mais pas le vide. Celui qui hante. Et DÉVORE.
Celui qui réclame, attise, le brasier oublié, les âmes désincarnées. Cet abîme qu’il faudra combler.

Alors la fleur pleure. Mais la fleur danse. Danse sur ce charnier. Sur ce que fut sa légende. Amas de chairs et d’os. Sur son passé. Sur le cadavre aux entrailles clairsemées qu’il est incapable d’identifier.

Il ne faudra pas gaspiller. Oh non ! Oh non ! Ce ne serait pas bien ! Car il ne faut rien en laisser, n’en laisser pour personne !

Il pleut.

Il pleure. Le ciel. Car ce corps n’a plus d’œil. Orbites dont la béance luit à l’éclair d’un crâne immaculé. Rien. Il ne reste plus rien de carmin. Tout est pur. Blanc. Innocent. L’ombre n’est plus.
Le monstre redevient enfant. Une fleur. Jouvence. L’innocence impassible que l’on tire – lentement – de sa torpeur.

Il observe. Un brin d’horreur quand sur son visage, il recueille quelques gouttes. Ce n’est que de l’eau. De l’eau, qui entraînera dans son sillon, les dernières rémanences de son acte. Celui qu’il oubliera. Repu.

On lui a envoyé. Là. C’est dans sa poche. C’est un petit portrait. Il y a un nom. Ce sera une nouvelle scène.
Mais il n’aura pas d’absence cette fois. Non. Il doit libérer. Il doit tuer. Et il tuera. Dignement. Et sans heurt.

La douleur, elle, ne durera pas.

Temps qui s'écoule, qui se perd. A courir, à voler. Artisan, simples ouvriers ou paysans. Qui bêchent, qui creusent. Qui, quelques instant s'arrêtent pour l'écouter. La Fleur. Et lui répondre.
Chasse. Chassé, le portrait éphémère. Et retrouvé. Comme il les retrouve toujours. Toujours.
Encore une fois, c'est à lui. Le dernier Acte: que les Pairs lui ont confié. Une fois rentré. Revenu au sommet. Emerald.

S'élève une voix. Comme un chant psalmodié. Celui de l'inquisiteur:

« Vous savez, une fleur, a besoin d'eau.
Bien sûr que vous le savez ! C'est une évidence, non ?
Mais elle a aussi besoin de lumière, et d'ombres que lui offrent ses lointains Pairs...

C'est de ses ombres que certaines naissent, de ses ombres protégées de la lumière.
Et c'est aussi parfois dans l'ombre que d'autres disparaissent, que d'autres régénèrent. Une petite fleur, minuscule, chétive, qui se dissimule au regard, se perdant dans les mystères de ses Pairs... Elle est timide la fleur, et son écosystème vulnérable, là, dans ces airs si froid ! Si froid que rien n’y devrait survivre ! D'un souffle, d'un seul, expié, et voilà qu'elle se meurt.
Comme si elle n'avait jamais été.

Vous savez, une fleur, ça a besoin d'eau.
Et sans eau, elle dépérit, tout autant qu'éloignée de ses pairs, elle se ternit.

Qu'étais-je déjà?
Ah, oui.
J'étais une fleur. Une graine à demi éclose,
Du bec d’un oiseau mort.
Monodiela...

J'étais un oiseau, une graine, une petite âme qui germa parmi l'ombre protectrice de ses Pairs.

Une petite fleur.

Une toute petite fleur, née d’un oiseau. Déchu en cet éden. Le dernier existant volant, que le vent balaie, et l’éclat. Le soleil dore. Dort, et dorment ses habitants sous l’irisation de millions de grillons.
Et l’amertume des chants, des voix… des Pairs.

Le temps d'un rayon, d'un vent balayé, le temps de courir encore sur les lambeaux passés.
Le temps de crier, un court instant, sans échos, car il n'a plus rien pour l'arrêter.

Et quand celui-ci reprend son envol? Les pétales s'élèvent ! L’oiseau se meurt, balayé, disséminé et brûlé par l'ardent banquet, de ceux qu’il aimait, ceux qu’il protégeait! ... Qui l'ont transformé...
Et elle rougit la fleur ! Elle rougit et se teint de leur horreur! Celle qui se lit, sur eux. Eux; pauvres pêcheurs.
Eux; ceux qui n'écoutent pas Les voix. Eux. Ceux qu'Emerald choisira.

Et la fleur souffre, mais la fleur change.
Et demeure.

Et les cendres de l’oiseau consumé, les cendres se mettent à danser, à chanter au vent, vous l'entendez?

Écoutez.
Kywitt ! Kywitt !
C'est joli non?
L'histoire d'une fleur.
Monodiela je crois.
A jamais figée,
Vous entendez ?

Elle vous raconte, qu'il était une fois...

Oh, C’est l'heure, pardon. »

L'inconnu l'interpelle faiblement, comme d'un effort éreintant :

« petit, quel est ton nom ? »

« Tu n'auras plus peur. » dit l'enfant souriant.

« Car il n'y a plus de peur aux royaumes inconscients.
On ne se reverra pas je crois, puisque tu y vas, et là-bas, les fleurs ne sont plus protégées par leur Pairs, tu vois ? Mais elles continuent à aimer, je crois. Elle continue à aimer au-delà.
Même si tu es monstre, même si tu es ça, même si tu es de ceux-là. Tu sais ? Les damnés ? Que Les Voix auront désignées...
Moi, je t'aime tu vois, je t'aime, car c'est la dernière fois.
Mon nom? Ah, oui, c'est vrai, mon nom.
Je m'appelle Monodiela, je suis l'exécuteur, dernier confesseur des êtres, qui du pêcher furent proie.
Oh? Ton sourire, il est si triste...
Oui, je sais, tu ne peux plus, ton visage a presque disparu.
Excuse-moi, il le fallait, pour qu'on ne te reconnaisse pas dans l'éternité. Sinon, tu ne pourrais pas en franchir l'entrée, tu comprends?
Mais je vois, oh, tu pleures?
Ne pleures pas, va, ton sourire est là, dans ton œil, celui qui n'est pas crevé encore. Il y reste et y rejaillira, ne t'inquiètes pas. J'y veillerai.
Je suis Monodiela, l'ultime fleur, la dernière que tu verras, avant que ton âme ne se meure.

Je suis Monodiela.
Souviens-toi. »

Un chant doux, semble voguer sous les portes du pénitencier, il accompagne le dernier voyage d'une de ses créatures, comme l'auréolant de douceur, drapant l'horreur de délicat, de finesse, de l'amour d'une voix.

« Le monde est devenu fou tu vois. »

Il n'y a plus personne, seulement une carcasse vide, et des taches d'un sang déjà coagulé.

« Le monde n'écoute pas les Voix, il s’enivre de pommes viciées, et souille encore, cette terre qui ne peut plus en dégorger… Alors Emerald fut créé. Et Monodiela.
La fleur qu’ils pourront brûler, si elle n’obéit pas.

Je n'aime pas vos derniers sourires.
Je ne sais pas pourquoi, mais à chaque fois, ils me font souffrir.
À chaque fois.
Je ne sais pas pourquoi.
Mais je n'aime pas. »

On ne sait pas d'où vient Monodiela, des bruits courent, des voix. Mais elles se taisent, elles se taisent les voix, elles se taisent car elles ne peuvent plus parler, très vite, elles sont muettes, ces voix!
Car elles ont la langue coupée, la gorge arrachée, étouffées sous les bottes de pailles ensanglantées. C'est joli, c'est nuancé, c'est éparse. Du son coloré.
Qui est Monodiela? Monodiela, c'est une fleur, une fleur né d’un oiseau mort, une fleur dont on ne sait pas grand-chose. Mais elle est née du ciel, alors, alors, c'est comme un petit miracle que l'Emerald protège, et arrose de chair et de sang, pour la faire grandir, la faire s'épanouir, qu'elle ne soit pas ternie et puisse répandre encore... La portée de leurs choix. Ses Voix.
Qui est Monodiela? Monodiela ne le sait pas.
On lui a dit qu'il était une fleur, alors Monodiela le croit.
Et Monodiela raconte une dernière fois, Monodiela chante aux condamnés leur rédemption.
Monodiela n'est pas mauvais, Monodiela ne sait pas, c'est ainsi qu'il est né, ainsi qu'on l'a façonné.
Alors il obéit, il obéit, car on l'a sauvé, de cette carcasse de plumes qui s’étiolait, de ses cendres qui se consumait, de cette ère qui le rejetait. Poussières…  
On l'a sauvé, alors Monodiela se tait, Monodiela obéit, il remercie, il sourît. Il accomplit.

Dans le Garde-Manger...